Comment le thon économise 25% de sa chaleur corporelle.

La Nature est économe. Et elle développe mille astuces pour fonctionner avec la meilleure efficacité et les moyens les plus modestes. Des thermiciens américains pensent avoir découvert pour nos centrales le secret des poissons des mers froides.

A la différence des animaux terrestres, qui peuvent se réchauffer au soleil pour gagner de la chaleur, les ectothermes marins ne peuvent pas tirer des calories de l’énergie radiante, car l’eau absorbe les infrarouges.

Aussi, les poissons ne peuvent garder leur température que par une intensité importante de leur métabolisme.

La plupart des poissons sont des ectothermes stricts, dont la température centrale est proche de celle du milieu ambiant. Mais certains poissons, en particulier ceux qui vivent en eaux froides ou profondes, possèdent des spécialisations qui leurs permettent de produire et surtout de conserver assez de chaleur pour présenter en permanence un différentiel de 10 ° C entre l’eau ambiante et les organes internes du poisson. C’est le cas du thon, qui possède un réseau sanguin très original, et très économe en énergie.

Les schémas ci- contre nous montre bien l’astuce dont profite le thon.

Chez le commun des poissons (A), la plupart des vaisseaux sanguins sont situés dans la partie centrale du corps et irriguent organes, muscles et conjonctif selon un réseau toujours plus éclaté : les veines et les artères ne se côtoient pas.

Chez le thon (B) les gros vaisseaux tant artériels que veineux sont situés sous la peau et sont organisés en réseaux parallèles fonctionnant à contre-courant pour maintenir la température centrale ; aucune chaleur n’est perdue pour réchauffer le sang artériel qui s’est considérablement refroidi lors du passage dans les bronches. En parallèle avec ce réseau de vaisseaux importants, des milliers de petits vaisseaux s’enfoncent dans les masses musculaires réchauffées par leur métabolisme permanent, et un fin réseau d’artérioles ” froides ” se mêlent aux veinules contenant du sang chaud issu des muscles.

Cet échangeur thermique à contre-courant, comme les échangeurs osmotiques à contre-courant  de nos reins, constitue un exemple de la perfection des organismes après quelques millions d’années de tâtonnements…

Une astuce aussi simple et aussi productive aurait dû depuis belle lurette être reprise par les scientifiques, en particulier ceux qui œuvrent dans le domaine de l’énergie… Eh bien là, déception… C’est beaucoup plus simple de brûler du pétrole avec 35 % de rendement que d’essayer d’imiter les process d’économie de Dame Nature.

Mais des chercheurs indépendants ont déjà des solutions, toutes simples et nécessitant peu de moyens techniques pour révolutionner deux grosses filières de l’Energie : les centrales thermiques et les moteurs à explosion.

Combien de milliards de joules s’évaporent dans ces grandes cheminées qui surmontent les cimenteries, les usines chimiques et les centrales électriques ? Personne ne peut le dire, mais c’est un gâchis monumental. Car les meilleures centrales thermiques ont un rendement global de 35 %… soit 65 % de pertes dans les rivières ou les nuages.

Quant aux industriels de la chimie, ils considèrent ces effluents comme des pertes inéluctables. C’est même comptabilisé…

Eh non ! On peut récupérer 25 % de cette chaleur perdue dans ces énormes cheminées avec un procédé très simple… de contre-courant !

L’astuce est d’utiliser un gaz qui se vaporise (55 ° C) à faible température : le propane.

Car la vapeur d’eau n’atteint de bons rendements que vers 650 ° C. En dessous de 450 ° C la force de la vapeur d’eau n’est plus utilisable, et c’est ainsi qu’on la relargue dans le ciel.

Si l’on envoie du propane dans ces cheminées, qui jouent alors un rôle d’échangeur, il se vaporise (voir schéma) et peut entraîner un générateur spécifique qui profite  de cette énergie gratuite.

Mais ce méthane encore chaud peut encore être utilisé dans un second circuit (échangeur à contre-courant) pour vaporiser du propane et l’expédier dans une seconde turbine.

Dépense énergétique : selon les deux ingénieurs qui ont montré ce projet, on peut ” gratter ” environ 25 % des pertes actuelles… si seulement 20 % des tours actuelles (y compris en France dans es centrales nucléaires) étaient ainsi équipées, on pourrait produire 20 % de notre énergie nationale sinon gratuitement (une telle installation est onéreuse) en tout cas sans apport d’énergie.

Autre avantage 1 : la température des effluents étant considérablement abaissée de (70 ° à 100 °), de nombreuses substances polluantes retombent d’elles mêmes au fond de la tour, au lieu de s’évader dans l’atmosphère.

Autre avantage 2 : nous nous sommes engagés, au niveau européen, à produire plus de 25 % de notre consommation énergétique à partir d’énergies renouvelables. En l’occurrence, le propane se renouvelle tout seul.

Autre exemple d’application des échanges thermiques à contre-courant : le moteur Pantone.

Un moteur Pantone, c’est globalement un moteur à explosion classique (auto, tracteur, tondeuse à gazon) sur lequel on fait passer à contre-courant le mélange d’injection (air + carburant + eau) à travers un réacteur aux dimensions bien précises, qui est lui même réchauffé par les gaz d’échappement. On profite ainsi d’une énergie perdue pour créer au sein, en amont de l’injecteur un ”plasma ” pour l’instant mal apprécié, mais l’ensemble du système permet d’intégrer de 10 à 40 % d’eau…

Les résultats actuels donnent de 20 à 30 % d’économie minimum pour le carburant, et une durée de vie des moteurs multipliée par 5.

Nous sommes ici loin des poissons des mers froides… Mais cette logique d’économie, maintenant obligatoire pour l’activité humaine, aura désormais quelques chances d’émerger dans l’urgence politique et sociale qui s’annonce.

Jean-Yves Gauchet