La sarcopénie, c’est la fonte musculaire des seniors .

Un phénomène naturel qu’on peut contrôler par une diététique simple et peu contraignante

Fonte de la masse musculaire et au mieux, son remplacement par du conjonctif graisseux: c’est la sarcopénie.

On appelle très doctement sarcopénie cette fonte musculaire des seniors, au cours d’un processus qui s’emballe, mais qu’on pourrait corriger, mais il faudrait alors modifier tous les principes diététiques actuellement appliqués, par incompétence, négligence ou parcimonie.

Le débat houleux actuellement en cours sur les maisons de retraites a fait apparaître, au delà du manque de temps et de moyens dévolus au personnel, une carence évidente des services dans le domaine de l’hygiène et de la nutrition.

Ces organismes usés par la vie, les chagrins et certaines affections, sont quasiment tous dans un état de maigreur évident, visages émaciés, membres décharnés (sarcopénie), à bout de forces, pour certains incapables de tenir leur propre gobelet.

Certains sont en fin de vie effective, leurs épreuves vont bientôt s’achever.

Les autres sont soutenus par « le système », par des protocoles identiques élaborés pour tous, avec pour critères « au moins cher et au plus pratique ».

De récents témoignages édifiants ont fait surface. Exemple (Le Monde): « quinze personnes à faire manger en une heure, ça fait quatre minutes par tête … Une assiette où l’entrée, le plat et le fromage sont mélangés pour réduire le temps du repas …une bouillie qu’on ne servirait pas à un chien… on voit des résidents se laisser mourir de faim … ».

Nous avons consacré un hors série (n°107) aux soins ou  médications destinés au « quatrième âge ». Ici, nous allons focaliser sur ce problème essentiel qu’est la fonte musculaire, essentiel car il est à la croisée de bien des maux. Le contenir, c’est soulager l’ensemble de l’organisme.

Sarcopénie : des causes multiples à gérer globalement.

Bien sûr, l’âge constitue le facteur essentiel. L’organisme subit plus de catabolisme (lyse des tissus) qu’il ne peut se reconstituer au jour le jour. L’intensité de cette fonte musculaire dépend de la masse musculaire initiale, et de l’activité physique encore exercée. On la chiffre à 2% par an après 50 ans, mais cela ne se remarque pas forcément sur la balance, car l’organisme se charge parallèlement en masse grasse, principalement dans l’abdomen.

Mais ce processus inéluctable se fait bousculer par des facteurs divers,  il s’en trouve accéléré et amplifié :

  • le trop plein de remèdes : poly-médicalisés, les seniors prennent jusqu’à 10 médicaments chaque jour, entraînant des troubles digestifs (nausées, inappétence) ou neurologiques (somnolence, pertes de mémoire). Autant de facteurs menant à une malnutrition : oublis ou négligences à s’alimenter, dégoût devant l’assiette, vomissements ou diarrhées.
  • La médiocrité des menus et les horaires accélérés. Le budget journalier dévolu au nourrissement d’une personne est souvent inférieur à 3,5 €, autant dire qu’on tombe rapidement dans des tambouilles industrielles reconstituées localement, et distribuées à un train d’enfer sans un instant de cordialité aux cotés des « convives » … Les formules diététiques sont apparemment convenables (taux de protéines, de vitamines, apport énergétique), mais ces aliments sont mal assimilés, parfois pas consommés du tout.
  • Les déséquilibres hormonaux. Une hypothyroïdie latente, un déficit en vitamine D, en oestrogènes ou en testostérone et le plus souvent un diabète larvé ou exprimé, sont les déséquilibre les plus fréquents. Ils jouent sur l’appétit et sur le métabolisme des sucres et des acides aminés.
  • Les cytokines de l’inflammation. Avec l’âge s’accumulent les affections inflammatoires comme les rhumatismes, avec production de substances très actives (interleukines, TNF, prostaglandines, etc) qui entrainent douleur et perte d’appétit, mais aussi poussent l’organisme au catabolisme, à la lyse des tissus. Cette inflammation est systématiquement relancée lors de chaque traitement anticancéreux, aussi bien une chimio qu’une radiothérapie.
  • Corrélativement, la prise d’anti-inflammatoires, en particulier de l’omniprésent paracétamol, est un puissant facteur  de dénutrition.
  • Le déclin progressif des moto-neurones., ces nerfs moteurs qui commandent aux muscles leur tension permanente et leurs usage lors des mouvements. Sans information nerveuse, le muscle ne se nourrit plus et se racornit.
  • La « séquestration splanchnique ». Suite à un repas, les acides aminés issus de la digestion font un premier passage à travers le foie, dans lequel ils sont retenus pour y subir diverses transformations, ce qui entraine un déficit en acides aminés dans le reste du corps, en particulier au niveau des muscles qui en auraient bien besoin. Et cette retenue est particulièrement importante chez les personnes âgées, nous y reviendrons plus loin.

Les conséquences fonctionnelles.

Cette perte de masse musculaire a des conséquences majeures au niveau de la force musculaire : 65% des femmes âgées de plus de 75 ans ne peuvent soulever une charge dépassant 4,5 kg… Avec à la clé des difficultés domestiques (ouverture de flacons, relevés lors des toilettes, déplacements, saisies d’objets) et des chutes (elles-mêmes favorisées par les psychotropes et l’hypotension).

Cette autolyse permet pour partie à l’organisme de récupérer des acides aminés et de remodeler ses protéines, mais il y a en fait un gaspillage métabolique avec production d’urée et d’acide urique.

Prévention et compléments nutritifs.

On l’a vu, la sarcopénie sera d’autant moins violente que l’organisme possèdera des masses musculaires efficientes. C’est tout l’intérêt lors du « jeune âge », de pratiquer des exercices physiques et de constituer et entretenir une réserve musculaire vigoureuse. Constituer pour mettre en place les fibres musculaires, entretenir pour en garder toute la capacité (avec renouvellement permanent grâce aux cellules souches encore disponibles), mais aussi pour garder l’effet trophique des motoneurones.

C’est essentiel, et les générations nouvelles semblent dans ce domaine aller dans le bon sens.

Le suivi des sportifs ou des bodybuildés toujours en quête de plus de masse musculaire, montre que les hormones anabolisantes sont actives jusqu’à 40 ans (avec en filigrane les dangers de cancérisation), mais beaucoup moins chez les personnes âgées. L’activité physique minimale consiste en des promenades au maximum des possibilités de chaque personne, si possible renforcée par des exercices corporels en groupe de musculation à charge faible. Ces mouvements entretiennent à la fois la force (et la taille) musculaire, aiguisent l’appétit ainsi que le sens de l’équilibre, et favorisent les émotions positives.

Les apports complémentaires utiles sont de trois sortes :

  • La vitamine D3 est en fait une hormone stéroïde que certains voudraient qualifier de « hormone D ». Par elle-même, elle n’agit pas directement sur la qualité et le volume musculaire, mais son action ubiquitaire permet un renforcement fonctionnel de multiples activités métaboliques, en particulier nerveuses (efficience des motoneurones) et circulatoires (meilleure irrigation des tissus musculaires). Il apparaît qu’une supplémentation à 1000  UI/jour diminue la mortalité de 10%, principalement en ralentissant les évolutions tumorales et en réduisant les chutes, en nombre et en gravité.
  • L’apport en protéines doit être revu et recalibré. Elles se doivent d’être à la fois digestes, et rapidement métabolisées.  Pour cela, il faut bien sûr qu’elles soient préalablement ingérées : prendre en considération l’état de la bouche et des prothèses dentaires, présenter une assiette gourmande, avec des aliments bien identifiés qui ramènent à des souvenirs positifs, laisser le temps de mastiquer, d’apprécier, accompagner le repas d’un verre de vin revigorant, autant d’indications difficilement applicables aux maisons de retraite… Le supplément protéique consistera en un appoint de protéines solubles de type lactosérum dans des sauces en rapport avec le plat du jour. Ce lactosérum présente des qualités nutritives très profitables, sont économiques, et sont rapidement métabolisées par rapport à des protéines comme les caséines ou les  globulines. Les athlètes musculeux consomment jusqu’à 20 grammes de protéines rapides après l’effort pour reconstruire les fibres et cicatriser les micro -déchirures musculaires. Un tel apport est également dispensé aux grands brûlés qui doivent reconstituer de grandes surfaces de tissu cutané.
  • La Lcitruline est un acide aminé qui n’entre pas dans la composition de nos protéines. Il est donc ignoré par le foie lors de la séquestration des acides aminés en cours de digestion, et va directement dans les muscles où il a une action anabolisante .très intéressante. Elle agit comme précurseur de l’arginine, l’acide aminé le plus efficace pour reconstituer du muscle (pensez Sargénor !), qui lui se trouve séquestré dans le foie. La  citruline permet donc une action anabolique continue au noiveau des muscles. Seul défaut : on ne la trouve que dans la pastèque, ce qui en fait un complément relativement onéreux (20 à 35 euros par mois) qui est surtout utilisé par les body builders…

Revenons à cette séquestration splanchnique.

Comme évoqué plus haut, le foie, principal effecteur de notre métabolisme, se trouve en première ligne (via la veine porte) pour recevoir les acides aminés issus de la digestion après chaque repas. On pourrait penser (et c’est toujours dans l’esprit des nutritionnistes contemporains) que le foie « se sert » des acides aminés dont il a besoin immédiatement (pour les transformer en protéines, en enzymes, ou en glucides (néoglucogénèse)), et qu’il laisse filer le reste dans le circuit veineux à destination de l’ensemble des organes, en particulier les muscles … Hé bien non … Le foie « confisque » les acides aminés, comme s’il avait peur de manquer, et quitte à en faire un mauvais usage, par exemple en les glyquant (en les associant à des sucres), ce qui donne des produits inutiles, encombrants, difficiles à éliminer.

Et le pire dans ce domaine de la sarcopénie des seniors, c’est que cette séquestration est deux fois plus importante chez les personnes âgées que chez les plus jeunes. Et ceci explique que même en « forçant » sur les protéines (ce qui n’est pas la règle, car les protéines ont encore une mauvaise réputation concernant les insuffisants rénaux, soit 70% des seniors…), on observe tout de même des fontes musculaires. Problème insoluble ?

Les bénéfices du régime pulsé.

C’est un petit groupe de médecins français (Drs Eric Fontaine, Christian Aussel, Olivier Bouillanne) qui a levé le lièvre, et qui bataille actuellement pour faire reconnaître cette novation en stratégie de nutrition : oui, on peut doubler l’apport en acides aminés dans ces muscles faméliques et reconstituer à peu de frais une chair plus vigoureuse. Sans molécule magique, sans aliment particulier, non… simplement en modifiant le quota des protéines au cours des trois repas de la journée.

Actuellement, les protéines (les glucides et lipides ne font pas partie de cet enjeu) sont globalement apportées de manière équivalente dans les trois menus (30% au petit déjeuner, 40% au déjeuner, 30% au dîner).  Avec une séquestration splanchnique de plus de la moitié de ces apports, et ceci toute la journée : pour une personne âgée, de surcroît alitée, c’est l’assurance d’une dénutrition musculaire (y compris cardiaque), mais aussi généralisée au niveau de la moelle osseuse, de l’encéphale, des épithéliums, etc.

De plus, les professionnels savent bien que le repas du matin est souvent négligé à cause d’une nuit sans sommeil (ou au contraire médicamentée) et du téléscopage avec la toilette.

Et que le repas du soir est pris en vitesse vers 18h30 ( !!), soit deux heures après un goûter sucré qui aura largement réduit l’appétit du résident.  Soupe, plat bâclé, un dessert et au lit … De fait, beaucoup de glucides, et une misère de protéines qui se verront séquestrées et inefficaces pour assurer les besoins.

La solution, c’est le régime pulsé.

Puisque le foie fait son Harpagon et qu’il amasse les produits de digestion des protéines, on va l’inonder de ces acides aminés, une fois par jour, à une dose telle qu’il ne pourra plus les conserver, et qu’il les laissera continuer leur trajet vers les organes du corps qui sont en demande.

Pour cela, on diminue drastiquement les apports protéiques du matin et du soir (qui, nous l’avons vu, sont souvent proposés en pure perte), et l’on concentre l’apport protéique sur le repas de midi, celui qu’on prend généralement à table, avec un certain entrain et du meilleur appétit. Soit 70 à 80 % des apports sur le repas de midi : pâtés savoureux, œufs, viandes ou poissons accompagnés de sauces enrichies en lactosérum (à assimilation rapide), fromages au goût de terroir, crèmes dessert aux œufs  ou aux amandes … Cet afflux brutal de bol alimentaire va bousculer le foie et permettre une réelle nutrition de tout l’organisme.

Cette méthode a été mise en œuvre dans plusieurs hôpitaux ou ehpads, avec un intérêt marqué des résidents (ou patients ?) pour ces nouvelles dispositions, mais surtout avec des résultats très démonstratifs : plus d’un kilo de profit en masse maigre par personne en six semaines, et un regain d’activité, une moindre dépendance … tout le monde y trouve son compte …

Cette avancée scientifique n’est pas ténèbreuse, ses promoteurs se démènent pour qu’elle soit admise et appliquée. Admise, c’est en bonne voie, et la lecture des publications internes des grands groupes de l’agro-alimentaire montre que ces faits sont validés, parfois même encensés … mais appliquée, c’est une autre affaire. Il faut chambouler toute l’organisation, depuis les cuisines jusqu’aux horaires en chambre et en salle, et c’est aussi reconnaître qu’on a mal nourri les pensionnaires pendant des années.

Il reste au moins les seniors qui n’ont pas quitté leur foyer, avec l’accompagnement de la famille ou des aides ménagères. Dans ce contexte, le régime pulsé bien expliqué, peut être mis en œuvre facilement, accompagné d’un minimum d’activité physique.

Angelina Viva