L’immunologie, ou le « péché originel » des vaccins (2)

Dans ce second article, on va décrire comment on est passé d’un système immunitaire “soldat” à un organisme de surveillance global, en relation avec les systèmes nerveux et hormonaux.

Dossier en six articles à paraître courant mai:

1 – l’immunologie est née de la bactériologie

2 – retour vers la cellule : on comprend la « réaction immunitaire »

3 – avec les années 90 et le SIDA, retour vers l’immuno-infectiologie.

4 – quelle place pour nos bactéries intégrées ?

5 – la théorie de la continuité / discontinuité

6 – Et maintenant ?

schéma: http://www.innate-pharma.com/fr/

 

Parallèlement aux avancées concernant les bactéries, les biologistes se faisaient une idée bien plus précise du fonctionnement des cellules, ainsi que des différences qui les caractérisaient selon les tissus. Avec la microscopie électronique et le savoir grandissant des chimistes, on savait les différencier, et étudier dans le temps leurs modifications structurelles, leurs productions.

On parvenait enfin à dresser le catalogue des cellules liées à l’action immunitaire, depuis le premier élan lors d’une primo-infection, puis lors de la « bataille » entre germes extérieurs et cellules blanches protectrices, puis encore lors d’un rappel vaccinal, ou d’une infection secondaire.

On découvrait au passage que des substances solubles (immunoglobulines et compléments) jouaient un rôle capital pour engluer les indésirables et les signaler à des cellules tueuses ou nettoyeuses selon la phase de la maladie.

Oui, de la maladie … car nous sommes encore et toujours dans un cadre d’infectiologie.

Mais d’autres maladies, incontestablement liées au « travail » des cellules de l’immunité, ne dépendaient pas d’un germe agresseur. On constatait par exemple ce rejet systématique et mortel de cellules d’un autre organisme (lors de transfusions sanguines répétées), ou bien des réactions « allergiques » violentes par contact avec des substances végétales comme les pollens.

Le « système immunitaire » pouvait donc agir en dehors de sa mission primaire anti-infectieuse, et créer même de gros dégâts à son propre organisme ! On en était à imaginer un véritable « Dr Jekyll qui soigne et Mr Hyde qui fait souffrir », par exemple en isolant certaines cellules comme les éosinophiles, en les évacuant du système immunitaire à cause de leur action indésirable d’hypersensibilité.

Ce ne sont pas de microbes, mais ils déclenchent une réaction immunitaire …

Mais installer de telles frontières artificielles dans le catalogue n’était pas tenable, il fallait élargir le champ d’action de ces cellules.

Immunité : d’une tâche guerrière anti-infectieuse à un rôle de « douanier » entre le « soi » et le « non soi ».

Les molécules les plus représentatives de l’action immunitaire sont les immunoglobulines (qu’on appelle également « anticorps, pour bien marquer leur rôle de défense). Elles sont les plus faciles à observer, à doser. Leur analyse montre qu’elles apparaissent déjà dans l’embryon, mais alors d’origine maternelle, et qu’ils constituent au cours de la croissance un registre de reconnaissance des germes extérieurs (appelles « antigènes »), mais aussi des caractéristiques tissulaires de l’individu.

C’est Burnet qui avance la théorie de « sélection négative », selon laquelle le fœtus, puis l’enfant, produisent des clones de lymphocytes qui doivent apprendre tout à la fois à se mobiliser contre un agent étranger, et à respecter l’ensemble des cellules de son organisme. Le lieu de cette reconnaissance est identifié, il s’agit du thymus. Lequel devient inopérant quelques mois après la naissance.

Le système immunitaire est donc alors voué à une fonction  bien plus large : la distinction entre le soi et le non soi. Ce qui amène à des questions quasi philosophiques : quelles sont les limites du soi, est-ce aux petits lymphocytes de nous l’indiquer, ou bien à notre culture, à notre réflexion ?

En attendant, cette nouvelle vision permettait d’intégrer tous les phénomènes d’allergie et de rejets de greffe ou de transfusions, elle mettait en place la compréhension des maladies auto-immunes.

Prochain article: avec les années 90 et le SIDA, retour vers l’immuno-infectiologie.