Remdesivir: faire du neuf avec de l’ancien.

On a reproché à l’équipe marseillaise de bidouiller les malades avec des “vieilles molécules”dépassées ou hors protocole reconnu. Et l’on met en avant un tout nouveau remdesivir plein de promesses … Sauf que …

Aux USA, il existe un journal reconnu par toute la profession médicale, le STAT, dont le staff de rédaction est composé de journalistes, de médecins et de chercheurs de haut niveau, qui compilent en permanence les publications scientifiques, les comparent avec les témoignages ou observations des médecins praticiens.

Très récemment (le 14 mai), ce journal a fait paraître une tribune (first opinion) collective, dans laquelle est demandé directement à la société Gilead de retirer des essais le remdesivir, cette molécule vedette (qui par ailleurs ne brille pas dans les essais en cours), et de la remplacer par une autre molécule de l’écurie Gilead, dont le nom est GS-441524 .

Pourquoi cette demande (ou plutôt cette supplique) de “sachants” responsables, envers ce laboratoire tout puissant dans le domaine médical ?

Un peu de pharmacologie. 

Le remdesivir est une molécule qui, par mimétisme avec un effecteur physiologique, agit en bloquant l’ARN polymérase, une enzyme indispensable à la réplication du virus Coronavirus dans les cellules infectées. Elle a été testée in vitro, puis utilisée lors d’une épidémie d’Ebola. Elle a par ailleurs bénéficié aux USA du statut très privilégié de “médicament orphelin” générateur de facilités financières et fiscales … avant d’en être retiré .

Le remdesivir est un médicament récent, dont le brevet a été déposé en 2017, il a donc sept ans encore de protection juridique, donc de profits à venir. Le Covid tomberait donc à pic, d’où cette frénésie d’être présent dans la plupart des essais thérapeutiques actuels (dont le célêbre Recovery !)

Oui, mais !

Oui, mais le remsesivir n’est pas tout seul dans l’écurie Gilead: ce type de traitement par interférence métabolique sur la polymérase est déja mis en oeuvre avec une molécule cousine (ou plutôt tante, puisque antérieure de dix ans), le GS-441524 . 

Cette molécule a montré de très bons résultats dans le domaine vétérinaire, contre un coronavirus responsable de la péritonite féline (PIF). Un marché trop étroit pour un gros labo comme Gilead, donc une utilisation réduite à un “black market” pour soigner les chats.

Pour les rédacteurs de STAT, il apparaît que le remsesivir n’a que très peu de chances de s’imposer comme un traitement valable pour le Covid. Inversement, le GS-441524 dont on a une bien meilleure expérience, qui est plus simple à fabriquer, et qui dans la cellule agit plus rapidement (trois étapes métaboliques intermédiaires au lieu de cinq pour le remsevisir), devrait être immédiatement mis en avant pour traiter les malades de Covid. Mais cette molécule a un grave défaut: son brevet date de 2009, est prorogé grâce à quelques certificats d’addition, mais les génériques seront là dans quelques mois …

Bon, expliqué comme cela, bien sûr, on a tout compris …