Quelles réelles indications pour la castration des chiens ?

La castration chez le chien est indiquée comme moyen de contraception, mais aussi chez des animaux fugueurs, hypersexués, asociaux, ou encore pour contrôler un adénome prostatique. Avec des effets globalement intéressants, mais avec quelles conséquences préjudiciables ?

L’exérèse des testicules a longtemps été considéré comme globalement bénéfique à la santé du chien, sous réserve d’en contrôler le poids (augmentation de l’appétit, tendance à l’obésité).

Les objectifs d’une telle intervention chirurgicale sont d’une part une stérilisation absolue, donc possibilité de cohabitation avec des femelles sans risque de gestation.

Mais aussi pour calmer des animaux rétifs, fugueurs, malpropres, voire dangereux.

La castration chirurgicale a été ainsi considérée comme la bonne solution, tant en terme de comportement qu’en terme de santé.

Des observations récentes apportent un bémol sur le rapport bénéfice/coût médical de cette intervention.

Mortalité : les causes de mortalité des chiens mâles castrés diffèrent de celles des chiens entiers. De façon attendue, les chiens castrés meurent moins de causes infectieuses et traumatiques, mais plus surprenant, leur risque de mourir de cause tumorale ou dys-immunitaire augmente d’environ 20%. Cette augmentation n’est pas due à l’augmentation de leur longévité (biais statistique classique), mais à une perturbation des lignées blanches par la privation de stéroïdes.

Cet ébranlement de l’activité des globules blancs a des conséquences en oncologie (diverses leucémies et kystes de type lymphomes ou mastocytomes) mais aussi dans le domaine des maladies auto-immunes.

Castration mal supportée chez un labrador (+ 12 kg et un prédiabète inquiétant)

Avec la prise de poids, difficile à contrôler, les chiens castrés subissent des troubles métaboliques (diabète) et orthopédiques (dysplasies, ruptures de ligaments) du fait d’une perturbation des ostéoblastes.

Ces inconvénients, graves quand on les considère dans leur ensemble, sont à confronter aux bénéfices attendus. C’est flagrant dans le domaine des adénomes prostatiques : les chiens se remettent rapidement de graves troubles infectieux et urinaires. Idem pour l’action contraceptive définitive.

Concernant les bénéfices dans les domaines comportementaux (marquages urinaires, chevauchements, fugues), on estime que la castration ne supprime ou n’améliore que 60% des comportements d’ordre sexuel, et encore moins  (30%°) dans le cas de comportements agressifs.

Il y a une grande disparité des résultats selon les races : les beagles et dogues allemands sont les plus sujets aux apparitions de tumeurs, alors que les cockers ou labradors seront plus sensibles aux maladies métaboliques ou auto-immunes.

L’âge du chien lors de la castration est fondamental. Les effets sont au maximum pour une castration précoce, soit de 3 à 11 mois. Chez le bouvier bernois, il est recommandé d’attendre l’âge de deux ans. La castration systématique des chiots avant leur vente (les éleveurs éliminent ainsi des « concurrents » mâles à leur propre production) ou leur adoption (les associations s’assurent ainsi, mais de manière autoritaire, d’éviter des naissances non désirées), peut être désormais considérée comme une erreur.

Et chez les chiennes ? L’ovariectomie (souvent appelée stérilisation, car c’en est le but premier) est supposée imposer le repos aux glandes mammaires, et éviter ainsi des cancers mammaires, ce qui est en fait démontré, mais avec les mêmes effets délétères en terme de cancers du sang, de maladies métaboliques  et auto-immunes.

La castration chimique (implant d’une hormone appelée desloréline) est d’usage courant depuis une dizaine d’années (méthode Suprelorin, du laboratoire Virbac). L’hormone injectée pour une action retard entraine un arrêt de production de la testostérone, avec en parallèle une diminution de la taille des testicules. Il s’agit ainsi d’une castration médicale, d’une durée d’effet de 9 à 20 mois, après une petite période embarrassante de 15 jours, appelée « flare up », durant laquelle le chien est paradoxalement super excité.

L’implant est injecté en sous cutanée au niveau des épaules.

Les modifications comportementales observées après la pose d’un implant de desloréline sont totalement prédictives des modifications qui seraient constatées si les chien avait été castré chirurgicalement. Il est donc possible d’utiliser ces implants comme tests afin d’en apprécier les résultats. Si ceux-ci sont corrects, on peut alors passer à une castration chirurgicale, ou bien continuer le « traitement » sous forme d’implants successifs.

Jean-Yves Gauchet