Comment une goutte d’eau s’étale sur une surface froide

L’étalement d’une goutte d’eau sur une surface très froide s’arrête rapidement. Ce phénomène est lié à la formation de microcristaux de glace sur la ligne d’interface entre le liquide et le substrat.

(a) évolution de l’étalement d’une goutte d’eau sur un support à -13°C. La formation des cristaux de glace (flèches) se produit d’abord à l’intérieur, puis sur la ligne de progression de l’étalement.
(b) formes finales de la goutte obtenues à différentes températures.
© 2022 American Physical Society

Lorsqu’une goutte d’eau est mise en contact avec un substrat à moins de 0°C, elle s’étale puis s’arrête. Plus la température de la surface est basse, plus le rayon du dépôt diminue. Le phénomène est bien connu, mais jusqu’ici son mécanisme n’était pas clairement identifié. Une équipe du Laboratoire d’hydrodynamique (LadHyX, CNRS/École Polytechnique) et de l’Institut Jean Le Rond d’Alembert (CNRS/Sorbonne Université) a mis en place une expérimentation inédite afin d’observer directement comment se déroule et s’arrête le processus d’étalement de l’eau sur la surface froide1 . Ces travaux sont publiés dans la revue Physical Review Letters.

Une goutte d’eau suspendue à une plaque de verre, à la température initiale de 10°C, est mise en contact avec la surface d’un saphir refroidi par de l’azote liquide. Deux caméras ultra-rapides (6000 images/s) filment le processus d’étalement de la goutte sur la surface refroidie (jusqu’à -25 °C), qui ne dure que quelques dizaines de millisecondes. Ce dispositif a permis de visualiser la formation de microcristaux de glace, d’abord à l’intérieur de la goutte, puis localisés sur la ligne d’interface mouvante entre l’eau et le substrat.

Durant l’étalement de la goutte, le front liquide décélère continuellement, puis s’arrête. En mesurant la vitesse de progression de l’interface, et la vitesse de croissance des cristaux, les chercheurs ont montré que l’arrêt se produit lorsque la vitesse de croissance des cristaux atteint et dépasse la vitesse d’avancement du front. En modélisant la croissance des cristaux, ils ont mis en évidence qu’elle était gouvernée par les propriétés thermiques du substrat : plus celui-ci est conducteur, plus les cristaux grandissent rapidement et moins la goutte à le temps de s’étaler.

Le mécanisme physique par lequel les cristaux arrêtent l’étalement de la goutte reste à élucider. Mais ces premiers résultats ouvrent la voie à une meilleure compréhension des processus de givrage/dégivrage, et pourrait intéresser l’aéronautique. Plus largement, ces phénomènes concernent d’autres cas de cristallisation au contact d’une surface, par exemple dans les procédés de fabrication de semiconducteurs.

Références :

Contact Line Catch Up by Growing Ice Crystals
Rodolphe Grivet, Antoine Monier, Axel Huerre, Christophe Josserand, and Thomas Séon
Physical Review Letters, 22 juin 2022
https://doi.org/10.1103/PhysRevLett.128.254501
Lire l’article sur la base d’archives ouvertes arXiv.